

La ligne 13 du tramway genevois : une infrastructure à triple temporalité
La ligne 13 des Transports publics genevois (TPG) occupe une place singulière dans l’histoire du tramway à Genève. Elle incarne à la fois une expérience passée d’extension radiale et un projet en gestation s’inscrivant dans la logique d’un réseau métropolitain transfrontalier.
1. Une première vie (1995–2011) : ligne radiale structurante
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La première version de la ligne 13 fut inaugurée en mai 1995 dans le cadre de l’expansion du réseau tramway moderne. Son tracé initial reliait la gare de Cornavin au carrefour de Bachet-de-Pesay, avec un prolongement progressif vers Palettes au sud et Nations au nord. Elle desservait notamment Carouge, un pôle urbain et culturel important de la rive gauche.
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Son rôle était complémentaire à celui de la ligne 12, avec laquelle elle formait un axe nord-sud renforcé. La ligne 13 bénéficiait de rames modernes (Bombardier Cityrunner, Duewag DAV) et d’un cadencement soutenu.
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Toutefois, dans le cadre de la refonte du réseau TPG opérée en décembre 2011, la ligne 13 fut supprimée. Cette réorganisation visait à simplifier la lecture du réseau et à recentrer les dessertes autour d’axes forts (notamment la ligne 15 prolongée et la ligne 12). Cette décision, bien que techniquement justifiée, suscita des critiques, notamment dans les communes desservies, comme Carouge, qui perdit une partie de sa desserte directe vers le nord.
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2. Une seconde vie à venir (vers 2028) : ligne transfrontalière de rocade ouest
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La réactivation de la ligne 13 est actuellement à l’étude dans le cadre du projet d’extension du réseau tramway vers la périphérie et la France voisine. Contrairement à sa version initiale, la nouvelle ligne 13 adoptera une géométrie semi-tangentielle et transfrontalière. Elle reliera :
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Bernex-Vailly au sud-ouest,
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via Onex, Lancy, le Grand-Saconnex (proche de l’aéroport et du P+R du Grand-Saconnex),
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jusqu’à Ferney-Voltaire en France
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Ce futur tracé, actuellement en phase de planification, s’intègre dans le projet d’agglomération franco-valdo-genevois, avec un horizon de mise en service visé entre 2028 et 2030. Il permettra de relier plusieurs zones denses sans passer par le centre-ville, en cohérence avec la politique de désaturation du noyau central et de maillage transversal du territoire.
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3. Une troisième vie (dès 2040) : une desserte de Genève-Aéroport-Nord
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Le projet intitulé «â€¯Rectangle d’Or », porté par l’agence d’urbanisme Notus, constitue une initiative majeure d’aménagement du territoire à l’échelle transfrontalière. Il concerne un périmètre de plus de 300 hectares situé entre la ville de Genève et le territoire du Pays de Gex. Ce projet s’inscrit dans une dynamique de coopération entre deux juridictions distinctes, visant à élaborer une stratégie de développement cohérente et durable pour une zone caractérisée par une forte pression démographique, économique et environnementale.
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La mission confiée à Notus s’est étendue sur une période de dix mois, avec un budget d’étude évalué à 90 000 euros. L’approche adoptée repose sur une méthodologie interdisciplinaire et collaborative, mobilisant plusieurs partenaires spécialisés, dont ARCHE5 (urbanisme), ORTIS/ROBYR (mobilité), ADP Dubois (paysage) et AGORA (programmation urbaine).
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L’étude s’articule autour de quatre grands axes d’analyse :
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Urbanisme et formes urbaines : diagnostic des espaces bâtis et identification de potentiels d’évolution morphologique.
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Économie territoriale : analyse du tissu d’activités existant et projections en matière de développement économique.
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Enjeux environnementaux : prise en compte des continuités écologiques, des contraintes naturelles et des impératifs de durabilité.
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Mobilité et accessibilité : étude des flux transfrontaliers, des infrastructures de transport et des alternatives à la voiture individuelle.
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C'est dans ce cadre que le prolongement de la ligne 13 depuis Ferney, Bisou P+R jusqu'à Ferney, Genève-Aéroport-Nord pourrait s'inscrire, tout comme le prolongement de la ligne 14.
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4. Perspectives de réalisation
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La perspective de réalisation de la nouvelle ligne 13 du tramway genevois s’inscrit dans une dynamique ambitieuse de développement du réseau structurant à l’échelle métropolitaine. Avec une mise en service attendue dès 2028 sur son tronçon principal, ce projet illustre la volonté des autorités genevoises de répondre aux enjeux de croissance urbaine, de cohésion transfrontalière et de transition écologique par un investissement massif dans la mobilité collective. La ligne 13 deviendra ainsi, à terme, un maillon clé de l’armature du réseau TPG, aux côtés des lignes radiales historiques. ​​​​​​​​​​
5. Matériel roulant
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​En 2023, les TPG ont officialisé une commande de 38 rames Stadler Tramlink, avec des livraisons échelonnées à partir de 2025. Ces véhicules constituent la nouvelle génération de tramways genevois, destinés à remplacer progressivement les modèles plus anciens (notamment les Duewag-Vevey) et à équiper les extensions de réseau. D’une longueur d’environ 45 mètres, les Tramlink offrent un plancher bas intégral, une accessibilité universelle, une bidirectionnalité facilitant l’exploitation en milieu urbain dense, ainsi qu’un haut niveau de confort pour les usagers (climatisation, équipements numériques, interphonie, etc.).
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6. Financement
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La réalisation de ce nouveau tracé, situé exclusivement sur le territoire français, devrait être intégrée au Plan de Déplacements des Mobilités (PDM) élaboré par l’Autorité Organisatrice de la Mobilité (AOM), à savoir Pays de Gex Agglo (PdGA). La publication de ce document est envisagée à l’horizon 2027, soit dix ans après que PdGA a acquis le statut d’AOM, et cinq ans après que le territoire a franchi le seuil des 100 000 habitants. Ce dépassement rend, conformément à la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) du 24 décembre 2019, l’élaboration d’un PDM juridiquement obligatoire.
Une fois inscrit dans le PDM, le projet pourrait prétendre à des financements européens, notamment via le programme Interreg, ainsi qu’à des subventions en provenance de l’État français, de la région Auvergne-Rhône-Alpes et du département de l’Ain.
En prenant pour référence les coûts de réalisation de l’extension récente de la ligne 13 du tramway des Nations — soit 45 millions d'euros pour 1,5 kilomètre —, on peut estimer que cette nouvelle infrastructure pourrait représenter un investissement de l’ordre de 45 millions d’euros, sous réserve d’une configuration technique comparable
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7. Potentiel de réalisation
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​Le projet d'extension au delà de Ferney-Voltaire, Bisou n’étant actuellement pas inscrit dans un seul document de planification, nous considérons que ses chances de réalisation avant 2050 sont faibles.
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8. Conclusion
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L’histoire et l’évolution prospective de la ligne 13 du tramway genevois illustrent les transformations profondes du réseau de transport public dans le Grand Genève. D’abord conçue comme une ligne radiale structurante, puis supprimée dans un souci de rationalisation, elle renaît aujourd’hui comme un projet de rocade ouest à forte dimension transfrontalière, inscrit dans une logique de maillage territorial, de désaturation du centre urbain et de transition écologique.
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Sa réactivation témoigne d’une volonté politique de renforcer l’interconnexion entre les pôles urbains suisses et français. Toutefois, si le tronçon jusqu’à Ferney, Bisou P+R semble engagé sur une trajectoire de réalisation concrète avant la fin de la décennie, la portion située entre Ferney, Bisou P+R et Ferney, Genève-Aéroport-Nord reste tributaire de plusieurs conditions : intégration au Plan de Déplacements des Mobilités (PDM) de Pays de Gex Agglo, mobilisation de financements pluri-niveaux, et coordination transfrontalière renforcée.
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En définitive, l’extension de la ligne 13, au-delà de Ferney, Bisou P+R, pourrait devenir un vecteur majeur de mobilité durable à l’échelle du bassin genevois, à condition que sa planification soit consolidée, son financement sécurisé, et sa gouvernance clarifiée. Sa concrétisation effective d’ici à 2040 – voire au-delà – dépendra de la capacité des acteurs institutionnels à inscrire ce projet dans les outils de planification stratégique et à lui conférer un statut de priorité commune dans un contexte de forte croissance démographique et de pression sur les infrastructures existantes.​​​​​​​​​




