

L'hypothétique deuxième tramway du Pays de Gex
Le projet de prolongement de la ligne 18 du tramway, reliant le CERN à Saint-Genis-Pouilly et visant initialement à desservir le rond-point de la Porte de France, a été officiellement abandonné en septembre 2018. Cette décision a été motivée par un manque de maturité du projet ainsi que par l’absence de financements du côté français.
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Projet initial du projet de prolongement du tramway 18 de Meyrin, CERN à Saint-Genis-Pouilly, Mairie.
Cet échec met en lumière les difficultés rencontrées par Pays de Gex Agglo dans le développement de l’offre et des infrastructures de transports collectifs sur son territoire, alors même qu’elle exerce, depuis 2017, le rôle d’Autorité Organisatrice de la Mobilité (AOM). Ces carences ont été soulignées dans un rapport de la Cour des comptes de la région Auvergne-Rhône-Alpes, lequel dénonce un déficit de moyens techniques et financiers. Le rapport recommande notamment de transférer la compétence AOM au Pôle métropolitain du Genevois français, à l’instar de ce qui a été réalisé par Annemasse Agglo et la Communauté de Communes du Genevois Français. Cette préconisation a cependant toujours été refusée par le Pays de Gex.
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Une étude commandée en 2020 à un cabinet franco-allemand spécialisé dans la planification des transports et de la mobilité mettait pourtant en avant le projet de tramway, le considérant plus pertinent que les alternatives étudiées, à savoir un tram-train ou un réseau express régional de type Léman Express. De manière paradoxale, c’est néanmoins le projet de nouvelle liaison ferroviaire diamétrale qui verra le jour en premier. À terme, les deux projets pourraient toutefois coexister, à l’image du tramway 17 et du Léman Express entre Annemasse et le centre de l’agglomération genevoise, les deux infrastructures se révélant complémentaires.
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1. Extension du CERN jusqu’à Saint-Genis-Pouilly
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La ligne 18 pourrait être prolongée depuis son terminus actuel à Meyrin (CERN) jusqu’à la zone artisanale et commerciale de Saint-Genis-Pouilly. Ce tracé desservirait notamment le secteur de la Porte de France, où la réalisation d’un parc relais de plusieurs centaines de places est prévue, puis le centre-ville de Saint-Genis-Pouilly ainsi que plusieurs quartiers résidentiels à forte densité de population, avant d’atteindre la zone d’activités économiques et le futur centre commercial Open.
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​Projet de requalification du rond point "Porte de France". Le future BHNS empruntera un site propre pouvant accueillir, à terme, le tramway.
​​​Ce prolongement offrirait plusieurs connexions stratégiques, notamment avec la future liaison ferroviaire diamétrale genevoise aux stations de Saint-Genis-Pouilly et de la Porte de France, ainsi qu’avec la ligne du Piedmont du Jura à son terminus.
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2. Une offre parallèle à la nouvelle diamétrale ferroviaires
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Cette nouvelle infructueuse se déploierait donc en parallèle de la nouvelle diamétrale ferroviaire du Grand Genève, telle que publiée dans le Projet d'Agglomération de cinquième génération (PA5) et dans la stratégie ferroviaire cantonale genevoise.
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La coexistence de deux infrastructures de transport parallèle, comme le tramway 17 et le Léman Express entre Annemasse et le centre de l’agglomération genevoise, peut apparaître redondante à première vue, mais elle répond en réalité à une logique de complémentarité fonctionnelle et de diversification de l’offre de mobilité dans un contexte transfrontalier complexe.
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Des fonctions différenciées
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Le tram 17, par exemple, assure un service urbain et de proximité, avec une desserte fine, des arrêts fréquents et une intégration directe dans les quartiers résidentiels et commerciaux. Il est particulièrement adapté aux courts trajets et à la mobilité quotidienne (domicile-travail, courses, établissements scolaires).
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Le Léman Express, quant à lui, est un réseau express régional conçu pour les moyennes et longues distances, avec une vitesse commerciale plus élevée, une capacité supérieure et une vocation à relier les pôles urbains et périurbains sur un vaste territoire franco-suisse.
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Une réponse aux besoins de publics différents
Les deux modes ne s’adressent pas aux mêmes usagers ni aux mêmes logiques de déplacement :
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Le tram cible surtout les usagers internes à l’agglomération (et facilite l’intermodalité avec les bus, vélos, ou à pied).
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Le Léman Express répond aux besoins des navetteurs transfrontaliers, en assurant une liaison rapide entre les gares du Genevois français et le centre de Genève ou Lausanne.
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Capillarité vs rapidité
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Le tramway offre une capillarité urbaine, essentielle pour desservir des zones denses ou enclavées.
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Le Léman Express permet une structuration régionale et le désengorgement des grands axes routiers par un report modal massif.
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Sécurité de l’offre et résilience
Avoir deux réseaux parallèles permet aussi une résilience accrue du système de transport : en cas de perturbation sur une ligne, l’autre peut offrir une alternative. Cela favorise aussi un maillage plus robuste du territoire.
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​3. Contraintes techniques et enjeux urbains
La construction d’un tramway à Saint-Genis-Pouilly soulève des contraintes techniques et des enjeux urbains majeurs, en raison de la configuration urbaine dense et de la faible largeur de certaines voiries. Le tracé envisagé traverse des secteurs résidentiels et commerciaux déjà fortement sollicités par la circulation automobile et les stationnements en voirie. Afin de garantir l’insertion d’une plateforme en site propre, certaines rues devront nécessairement être reconfigurées en sens unique, voire réservées exclusivement à la circulation du tramway, excluant tout autre trafic motorisé.
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Ces choix techniques, bien que contraignants, s’inscrivent dans une logique de priorisation des modes de transport durables et de requalification des espaces publics. Ils impliquent une redéfinition du partage de la voirie et peuvent susciter des tensions locales, mais constituent une condition indispensable pour assurer la régularité, la sécurité et l’attractivité du futur tramway. Le projet s’insère ainsi dans une dynamique plus large de transition urbaine, visant à promouvoir une mobilité apaisée et un cadre de vie plus qualitatif.
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4. Densifier des quartiers afin de limiter le mitage du territoire
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Face à la croissance démographique soutenue que connaît le Pays de Gex, il devient impératif de repenser le tissu urbain et les logiques de densification, afin d’éviter le mitage du territoire et la consommation excessive d’espaces naturels ou agricoles. Le projet de prolongement du tramway jusqu’à la zone artisanale et commerciale de l’Allondon offre une opportunité stratégique pour structurer un nouveau quartier à vocation mixte, articulant habitat dense, commerces, services et équipements de loisirs, en cohérence avec les objectifs de la loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN).
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Dans le cadre d’un mémoire de Master of Advanced Studies (MAS) en urbanisme réalisé à l’EPFL/UNIGE, Davide Galli a présenté une étude soulignant les contradictions persistantes entre les objectifs nationaux de préservation des terres agricoles et leur traduction dans les documents locaux de planification. Son travail met notamment en évidence la facilité avec laquelle certains projets d’extension ou de création de zones commerciales sont validés au niveau communal, souvent en contradiction avec les principes de sobriété foncière.
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Ce mémoire révèle ainsi certaines failles structurelles de la planification urbaine française à l’échelle locale, qui peine à s’aligner sur les ambitions écologiques portées par l’État. En privilégiant des logiques d’opportunité économique à court terme, les collectivités locales ont tendance à reproduire des modèles d’aménagement extensifs, en confiant la réalisation des projets à des opérateurs privés, au détriment d’une densification raisonnée du tissu déjà urbanisé. Cette approche contribue à l’étalement urbain et à la disparition progressive de surfaces agricoles et naturelles, pourtant essentielles pour la résilience environnementale du territoire.
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​​Zone Artisanale et Commerciale (ZAC) de l'Allondon aujourd'hui (gauche), et le projet de l'architecte Davide Galli.
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5. Perspectives de réalisation
À ce jour, les perspectives de réalisation d’une ligne de tramway jusqu’à Saint-Genis-Pouilly demeurent limitées. Plusieurs facteurs structurels expliquent cette situation. En premier lieu, l’absence d’un Plan de Mobilité (PDM) constitue un obstacle majeur, alors même que la loi d’orientation des mobilités (LOM) impose son élaboration pour tout territoire regroupant plus de 100 000 habitants. Par ailleurs, la possible redondance fonctionnelle avec la future liaison ferroviaire diamétrale genevoise soulève des interrogations quant à la pertinence d’un investissement parallèle dans une infrastructure de tramway. Enfin, les capacités techniques et financières de la communauté d’agglomération du Pays de Gex apparaissent insuffisantes pour assurer le portage stratégique et opérationnel d’un projet de cette envergure.​​​​​​​​​​
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​Réseau de tramway illustrant le prolongement à Saint-Genis-Pouilly et les connexions au futur métro de Genève, ainsi qu'au Léman Express, aux CFF et à la SNCF.
6. Matériel roulant
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La future ligne de tramway jusqu’à Saint-Genis-Pouilly pourrait être exploitée par les véhicules actuellement en service sur le réseau genevois, notamment les Bombardier Cityrunner et les Stadler Tango, déjà adaptés aux conditions urbaines locales. Elle serait également compatible avec les nouveaux Stadler Tramlink, prévus pour renforcer le parc dès 2025, offrant ainsi une accessibilité optimale, une meilleure capacité et une exploitation souple sur des tracés mixtes ou contraints.
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7. Financement
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Le coût de construction d’un tramway dépend fortement du contexte urbain : nature du site (propre ou mixte), complexité foncière, réaménagements de voirie, ou encore contraintes transfrontalières. Pour un tracé de 6 km à Saint-Genis-Pouilly, on estime un coût compris entre 20 et 45 millions d’euros par kilomètre, soit un total situé entre 120 et 270 millions d’euros. À titre de comparaison, le prolongement du tram 17 entre Genève et Annemasse a coûté environ 230 millions d’euros pour 4,7 km.
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Le financement d’un tramway à Saint-Genis-Pouilly reposerait sur un cofinancement public pluripartite mobilisant plusieurs niveaux : Pays de Gex Agglo, malgré des moyens limités, pourrait être soutenue par le Département de l’Ain, la Région Auvergne-Rhône-Alpes, l’État français (fonds vert, DOT Green, appels à projets TCSP), ainsi que par la Confédération suisse et le Canton de Genève via les Projets d’agglomération du Grand Genève (subventions pouvant atteindre 30 à 40 %). Des aides européennes, notamment FEDER Interreg, pourraient également être sollicitées.
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D’autres leviers incluent le versement mobilité des employeurs et la participation des aménageurs privés, en particulier dans le cadre de projets de densification urbaine autour des stations.
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8. Potentiel de réalisation
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​Ce projet n'étant inscrit dans aucun document de planification, nous considérons que ses chances de réalisation avant 2050 sont faibles.
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8. Conclusion
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Le projet de prolongement de la ligne 18 du tramway jusqu’à Saint-Genis-Pouilly incarne un potentiel de transformation urbaine structurant à l’échelle transfrontalière. Il pourrait répondre simultanément aux impératifs de mobilité durable, de densification raisonnée et de requalification des espaces publics. Toutefois, en l’absence d’intégration dans un document de planification stratégique, et face à des obstacles institutionnels, financiers et techniques persistants, sa concrétisation demeure hautement incertaine. En l’état actuel, les conditions ne semblent pas réunies pour envisager une mise en œuvre avant l’horizon 2050, malgré l’intérêt fonctionnel et environnemental que ce projet pourrait représenter pour le territoire du Pays de Gex et l’agglomération du Grand Genève.
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