


Le potentiel de desserte du Haut-Bugey par le Léman Express : enjeux, études et perspectives
La desserte ferroviaire du Haut-Bugey par une ligne régionale intégrée au réseau Léman Express constitue une opportunité majeure en matière de mobilité durable et de désenclavement territorial. Cet objectif, porté dès 2023 par un collectif d’élus locaux, a donné lieu à une première initiative politique formelle : un courrier adressé au ministre des Transports de l’époque, Clément Beaune, sollicitant le financement d’une étude de faisabilité sur cette liaison. Bien que le ministre se soit engagé publiquement à faire financer cette étude à hauteur de 50 % par l’État, cet engagement n’a, à ce jour, jamais été concrétisé.
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Train régional moderne circulant sur la ligne du Haut-Bugey. En arrière plan, Nantua et le viaduc de l'autoroute A40​
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Dans ce contexte d'incertitude, la Région Auvergne-Rhône-Alpes a mandaté le bureau d’études SMA, dont les conclusions ont été rendues publiques courant 2024. L’estimation formulée par SMA, évaluant le coût de la mise en place d’un service de trains régionaux sur la ligne du Haut-Bugey à environ 400 millions d’euros, repose sur un scénario d’exploitation combinée avec un trafic TGV porté à une fréquence d’un aller-retour par heure, par sens. Ce scénario maximaliste, non confirmé par SNCF Réseau ni inscrit dans les documents stratégiques nationaux, a été jugé surdimensionné par de nombreux acteurs locaux.
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C’est dans ce climat de désaccord méthodologique que s’inscrit la création de l’association LEX 2050, dont l’objectif est de promouvoir une vision réaliste et territorialisée de l’extension du Léman Express. L’association a choisi d’accompagner les collectivités locales dans le développement d’une alternative crédible à l’étude SMA. Pour ce faire, elle s’est rapprochée du bureau d’ingénierie Citec, spécialisé en modélisation de trafic et en planification de réseaux ferroviaires.
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1. Une desserte régional jusqu'à Nurieux-Volognat pour 40M d'euros.
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L’étude menée par Citec met en lumière un scénario plus modéré et pragmatique : la desserte du Haut-Bugey par un train par heure, en complément des services TGV actuels et projetés, sans hypothèse d’un doublement de la fréquence TGV. Cette approche, fondée uniquement sur le trafic à long terme officiellement prévu, permettrait de limiter le coût des travaux à environ 10 % du montant annoncé par SMA, soit un ordre de grandeur bien plus accessible pour les partenaires publics.
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Sillon possible du Léman-Express (en orange) et des TGV (en rouge) entre Valserhône et Nurieux-Volognat​
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Ce scénario s’appuie sur l’utilisation optimisée des sillons disponibles, sans remise en cause des dessertes à grande vitesse existantes, ni besoin de réaménagement majeur des infrastructures. Il répond ainsi à une double exigence : garantir la faisabilité économique et opérationnelle du projet, tout en offrant aux territoires du Haut-Bugey une meilleure intégration dans l’aire métropolitaine lémanique.
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2. Le délai de mise en œuvre
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Toutefois, la mise en œuvre effective de cette desserte ferroviaire du Haut-Bugey par le Léman Express ne pourra intervenir avant l’horizon 2032, en raison de contraintes liées au matériel roulant disponible. L’exploitation d’un service régulier à raison d’un train par heure nécessitera en effet la livraison de rames supplémentaires, compatibles à la fois avec les exigences d’exploitation transfrontalière et les spécificités de l’infrastructure existante. À ce jour, les capacités de parc du Léman Express sont saturées, et les commandes de matériel roulant supplémentaires sont soumises à des procédures longues, tant en termes de financement que de production industrielle. Ce délai est également lié aux étapes préalables de planification, de concertation, et d’aménagements légers requis sur certains points du tracé, en vue d’assurer l’intégration harmonieuse de cette offre régionale dans le trafic existant.
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3. Développer l'offre régionale et l'offre grande ligne (TGV)
Le développement du trafic régional sur la ligne du Haut-Bugey, tel que proposé par l’étude du bureau Citec, n’entrerait pas en concurrence avec le trafic à grande vitesse. Au contraire, les deux types de services peuvent être conçus de manière complémentaire, grâce à une optimisation des capacités offertes par l’infrastructure existante. Ainsi, pour répondre à la croissance attendue du trafic TGV entre Genève et Bourg-en-Bresse, une circulation en unité multiple, c’est-à-dire avec deux rames TGV accouplées, pourrait être mise en œuvre. Cette solution permettrait de doubler l’offre en capacité sur ce segment clé, sans nécessiter d’augmentation du nombre de sillons horaires occupés par les TGV.
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À Bourg-en-Bresse, ces rames pourraient ensuite être désaccouplées, ouvrant la possibilité de diversifier les destinations. Une rame pourrait poursuivre sa route vers une destination nationale majeure, comme Paris, tandis que l’autre se dirigerait vers une destination européenne, par exemple Londres via Lille-Europe, Bruxelles ou encore Amsterdam via la jonction avec le réseau à grande vitesse nord-européen. Cette modularité d’exploitation, déjà mise en œuvre sur d'autres lignes à grande vitesse en France, permettrait d’améliorer l’efficacité du système ferroviaire sans compromettre l’introduction de nouveaux services régionaux.
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Ainsi, le renforcement du maillage régional autour du Léman Express ne se fait pas au détriment des grandes liaisons nationales et internationales, mais dans une logique d’optimisation coordonnée des ressources ferroviaires, au service à la fois des mobilités du quotidien et des déplacements longue distance.​​
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Le prolongement du Léman Express en direction de Nurieux-Volognat ne se ferait pas au détriment des relations longues distances (TGV).​​​​​​​​​​​​​​​​
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4. Potentiel de réalisation
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​Bien que ce projet présente un coût relativement modeste — estimé à 40 millions d’euros, soit l’équivalent de l’investissement consacré au nouveau bus à haut niveau de service (BHNS) entre Gex et Ferney-Voltaire — il ne semble pas susciter une adhésion unanime de la part des services de l’Autorité organisatrice de la mobilité, à savoir la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Cette dernière paraît privilégier le développement de la ligne L6 en direction de Culoz, notamment en raison de coûts d’infrastructure jugés plus réduits. Dans ce contexte, nous devons malheureusement considérer que les perspectives de réalisation de ce projet avant 2050 demeurent incertaines, voire peu probables.​​​​​​​​​
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