Eurostar commande 50 TGV-M à Alstom – risques et opportunités pour le Grand Genève
- Alain Mayaud
- 22 oct.
- 3 min de lecture
En octobre 2025, Eurostar a franchi une étape décisive dans sa stratégie de développement avec l’annonce d’une commande pouvant aller jusqu’à cinquante rames à grande vitesse de nouvelle génération, fabriquées par Alstom, pour un montant estimé entre 1,4 et 2 milliards d’euros. Ces trains, désignés sous le nom de « Celestia », seront les premiers matériels à deux niveaux autorisés à franchir le tunnel sous la Manche. Ils marquent ainsi une rupture technologique et commerciale pour les liaisons à grande vitesse entre Londres, Paris, Bruxelles et Amsterdam, avec des extensions envisagées vers Francfort et Genève.

Un risque pour le développement du transport régional dans le Grand Genève
Cette évolution interroge la capacité du réseau ferroviaire transfrontalier à concilier développement des dessertes internationales et consolidation de l’offre régionale. Notre association a récemment présenté, avec Citec et le cabinet Artelia, une étude relative au prolongement du Léman Express en direction de Culoz et de Nurieux-Volognat. Or, la perspective de nouvelles dessertes à grande vitesse, notamment vers Londres et Amsterdam, pourrait compromettre la mise en œuvre de la relation régionale RL6 vers Nurieux-Volognat.
En effet, l’exploitation de cette ligne repose sur une contrainte essentielle : la desserte régionale ne peut être garantie qu’à la condition que les trains à grande vitesse n’occupent l’infrastructure que toutes les deux heures. Une fréquence supérieure saturerait la capacité de la ligne et empêcherait la mise en place d’un cadencement horaire pour les trains régionaux.
Des solutions pour concilier grande vitesse et mobilité quotidienne
Plusieurs pistes techniques existent pour réduire cette concurrence d’usage. L’une des plus pertinentes consiste à exploiter certains TGV en unité multiple : deux rames accouplées entre Genève et Bourg-en-Bresse, puis séparées à Bourg. La première rame poursuivrait son itinéraire vers Paris, tandis que la seconde rejoindrait Amsterdam. Une telle configuration permettrait de desservir deux destinations internationales tout en n’utilisant qu’un seul sillon sur la section la plus contrainte (Genève–Bourg-en-Bresse), où la voie unique rend la planification des croisements particulièrement complexe.

Des opportunités stratégiques pour le Grand Genève
Au-delà des risques identifiés, l’arrivée du TGV-M offre des perspectives positives. Elle permettrait d’augmenter l’offre régionale – avec la mise en place d’un train par heure dans chaque sens vers Culoz et Nurieux-Volognat – conformément aux recommandations de l’étude précitée, et de renforcer le report modal en faveur du rail.
Par ailleurs, une uniformisation du matériel roulant à grande vitesse entre Lyria (SNCF–CFF) et Eurostar (SNCF–SNCB) autour du TGV-M faciliterait l’intégration des dessertes internationales, vers le Benelux, l’Angleterre, la France et l’Espagne. Les liaisons vers l’Italie demeurent limitées par les contraintes de gabarit du tunnel du Simplon et nécessiteront sans doute un matériel spécifique. Il convient de rappeler que les CFF ont récemment lancé un appel d’offres pour l’acquisition de rames à grande vitesse, ce qui laisse envisager une coordination accrue avec les projets européens.

Conclusion
Le développement des liaisons ferroviaires à grande vitesse ne doit pas s’effectuer au détriment des besoins de mobilité quotidienne dans le Grand Genève. Des solutions techniques et organisationnelles existent pour concilier ces deux objectifs. Leur mise en œuvre conditionnera la réussite du report modal, tant pour les habitants de l’agglomération désireux de réduire leur dépendance à l’automobile que pour les usagers effectuant des déplacements professionnels ou de loisirs sur de longues distances.




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