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Le Haut Jura aurait-il un train de retard ?

Récemment, le comité de l’association LEX 2050 à découvert, avec stupéfaction, un projet de tunnel routier de 12 kilomètres entre Saint-Claude (Jura) et Crozet (Ain) afin de « désenclaver » Saint-Claude.


1843: la route de Saint-Claude à Gex avec un projet de tunnel sous la Faucille
1843: la route de Saint-Claude à Gex avec un projet de tunnel sous la Faucille

Résumé: Les projets d’infrastructures reliant la périphérie à l’agglomération genevoise, notamment le tunnel routier entre Saint-Claude (Jura) et Crozet (Ain) ainsi que l’extension de l’A412 (Haute-Savoie), s’inscrivent dans une volonté historique de désenclavement territorial. Toutefois, ces initiatives doivent aujourd’hui être interrogées à l’aune des impératifs climatiques contemporains. Le récent rejet par référendum en Suisse d’un projet d’élargissement autoroutier témoigne d’un changement de paradigme citoyen en matière d’aménagement. Ce contexte ouvre la voie à une alternative ferroviaire structurante, consistant à relier la ligne des Hirondelles – menacée de fermeture – à la nouvelle diamétrale ferroviaire genevoise, par un tunnel transfrontalier. Cette contribution propose une réflexion critique sur les choix d’infrastructure dans le massif jurassien, en articulant enjeux de mobilité, transition énergétique et justice territoriale.


1. Contexte territorial et ambition de désenclavement

Le Haut-Jura constitue historiquement un territoire à la topographie difficile, souffrant d’un isolement relatif par rapport aux pôles urbains majeurs. Depuis le XIXᵉ siècle, divers projets de liaison entre Saint-Claude et Genève ont vu le jour, sans jamais aboutir. Plus récemment, deux projets ont été relancés aux limites du Grand Genève : d’une part, le tunnel routier entre Saint-Claude et Crozet, dont une étude de faisabilité a été financée en 2022 ; d’autre part, l’amélioration de l’axe A412, visant à fluidifier les liaisons entre le Genevois français et l’autoroute A40. Ces projets sont justifiés localement par des considérations économiques, sociales et médicales, dans un contexte de perte d’attractivité et de déclin démographique.


2. Opposition croissante aux infrastructures routières : l’exemple suisse

Le 24 novembre 2024, la population suisse a rejeté par référendum l’élargissement de plusieurs tronçons autoroutiers, notamment dans les cantons de Vaud, Genève et Zurich. Ce vote, largement interprété comme un signal fort en faveur de la transition écologique, témoigne d’un rejet croissant des logiques d’expansion routière dans un contexte d’urgence climatique. L’argument principal des opposants tenait à la notion de « trafic induit » : toute augmentation de capacité routière entraîne mécaniquement une augmentation des émissions de gaz à effet de serre et une pression accrue sur les milieux naturels. Cette dynamique interroge la pertinence, en France, de projets similaires tels que le tunnel routier Saint-Claude–Crozet ou la requalification de l’A412.


© Amedea – L'A412 traversera 12 communes.
© Amedea – L'A412 traversera 12 communes.

3. Pertinence des projets au regard de l’urgence climatique

Les infrastructures routières lourdes présentent des coûts environnementaux importants : artificialisation des sols, hausse des émissions liées au trafic, dépendance renforcée à la voiture individuelle. À rebours de la neutralité carbone visée à l’horizon 2050, elles renforcent des modèles de mobilité énergivores. Dans ce contexte, investir massivement dans des projets routiers apparaît non seulement comme un contresens écologique, mais également comme une erreur stratégique à moyen terme. Le référendum suisse constitue un précédent politique qui invite à une révision des priorités d’investissement dans les territoires frontaliers.


4. Une alternative ferroviaire stratégique : réactivation et prolongement de la ligne des Hirondelles

Face à ces enjeux, une alternative cohérente avec les objectifs climatiques réside dans la valorisation du réseau ferroviaire existant. La ligne des Hirondelles (Andelot–La Cluse), emblématique du patrimoine ferroviaire jurassien, est aujourd’hui menacée de fermeture faute d’investissement (35 M€ nécessaires avant 2027). Son interconnexion, via un tunnel ferroviaire transfrontalier, à la nouvelle diamétrale ferroviaire genevoise permettrait :

  • de rétablir une continuité ferroviaire entre le Haut-Jura et Genève ;

  • de favoriser un report modal structurant, avec des bénéfices significatifs en termes d’émissions et de congestion ;

  • de soutenir une dynamique de développement territorial durable, respectueuse des milieux naturels.

Cette option répond aux mêmes objectifs de désenclavement que les projets routiers, tout en s’inscrivant dans les trajectoires de mobilité bas-carbone. Elle favoriserait également le fret ferroviaire et le tourisme durable, deux leviers économiques peu exploités dans la région.


5. Perspectives et pistes de recherche

Plusieurs dimensions méritent d’être explorées pour évaluer la faisabilité et la pertinence d’un tunnel ferroviaire transfrontalier :

  • une analyse comparative des coûts globaux (investissement, entretien, externalités) entre les options routière et ferroviaire ;

  • une étude d’impact carbone sur l’ensemble du cycle de vie des infrastructures ;

  • une évaluation de la fréquentation potentielle (voyageurs et marchandises) ;

  • un examen des mécanismes de gouvernance transfrontalière possibles (coopération entre l’État français, la Confédération suisse, les collectivités territoriales, la SNCF et les CFF).


Conclusion

Dans un contexte de transition écologique accélérée, les choix d’infrastructures doivent être réévalués à l’aune de leur compatibilité avec les objectifs climatiques et les dynamiques territoriales. Le rejet suisse de l’élargissement autoroutier marque un tournant qui résonne jusqu’aux projets français frontaliers. Le tunnel routier Saint-Claude–Crozet et l’A412 apparaissent ainsi en contradiction avec les orientations nécessaires. En revanche, une interconnexion ferroviaire entre la ligne des Hirondelles et la diamétrale genevoise ouvre une perspective innovante, combinant développement durable, attractivité du territoire et coopération transfrontalière. Cette alternative mérite une attention accrue des décideurs publics et une mobilisation des acteurs territoriaux autour d’un projet à la hauteur des enjeux du XXIᵉ siècle.


Relier le Haut Jura au Grand Genève via un tunnel ferroviaire, connecté à la nouvelle diamétrale ferroviaire, plutôt qu'un tunnel routier ouvrirait une perspective innovante, combinant développement durable, attractivité du territoire et coopération transfrontalière.
Relier le Haut Jura au Grand Genève via un tunnel ferroviaire, connecté à la nouvelle diamétrale ferroviaire, plutôt qu'un tunnel routier ouvrirait une perspective innovante, combinant développement durable, attractivité du territoire et coopération transfrontalière.

 
 
 

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